Un entretien avec Pierre Durand de Ramefort, Attaché de coopération scientifique à l’Ambassade de France en Tunisie.
Que change le statut d’État associé à Horizon Europe pour les chercheurs en Tunisie et en France ?
Pour la Tunisie, unique pays du Maghreb et d’Afrique à être actuellement associé à Horizon Europe, cette inclusion au sein de l’Espace européen de la recherche revêt une dimension stratégique. Déjà associée à Horizon 2020 à compter de 2016, la Tunisie avait, en effet, su se saisir de ce mécanisme afin d’amplifier notablement sa participation au programme-cadre européen de recherche et d’innovation (75 conventions de subvention signées pour plus de 13 millions d’euros).
En particulier, en coordonnant des actions de coordination et de soutien de la partie « WIDENING » (élargissement) en partenariat avec des institutions françaises tels que le CNRS, l’INSERM, l’Institut Pasteur, Aix-Marseille Université, l’Université Claude Bernard Lyon 1, l’Université Côte d’Azur ou l’Université de Pau et des Pays de l’Adour.
Pour rappel, l’association d’un pays au programme-cadre lui permet d’y participer dans les mêmes conditions que les États membres de l’Union européenne à quelques spécifications ou conditions près, précisées dans les programmes de travail ou textes des appels à projets (telle que la limitation de participation aux seules entités établies dans l’Union européenne pour certaines actions).
En consacrant l’excellence de la recherche menée au sein des universités et centres de recherche thématiques tunisiens, cette association à Horizon Europe offre aux laboratoires tunisiens et à leurs nombreux partenaires français (la France reste en effet le tout premier partenaire scientifique de la Tunisie) de nombreuses opportunités de renforcer leurs coopérations en s’insérant dans des consortia euro-méditerranéens, en particulier sur les thématiques relevant du Pacte vert pour l’Europe (Green Deal).
Les chercheurs français pourront également contribuer à la mise à niveau de la recherche tunisienne aux standards internationaux, par un transfert de compétences et d’expertises, y compris en termes de gestion administrative et financière de projet européen.
Comment mettez-vous en avant, auprès des partenaires tunisiens, les opportunités de participation à des projets de recherche dans le cadre d’Horizon Europe ?
Le dialogue établi depuis 2016 entre le Service de coopération et d’action culturelle (SCAC) de l’Ambassade de France en Tunisie et l’unité spécialisée « Programme-cadre européen de recherche et d’innovation » du Ministère tunisien de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, au sein de laquelle un expert technique français (Philippe Roussignol, directeur de recherche du CNRS) a été positionné pendant 3 ans (jusqu’en 2021), a d’ores et déjà permis l’organisation conjointe de webinaires d’information sur des thématiques ciblées (changement climatique, Green Deal) à destination des équipes de recherche tunisiennes, d’échanges entre représentants français et tunisiens au Comité de programme d’Horizon Europe ou encore, entre services du partenariat et de la valorisation de la recherche du CNRS et cellules d’ingénierie de projets (Project Management Offices) tunisiennes.
D’autres actions conjointes peuvent être envisagées dans les mois à venir, notamment vis-à-vis des équipes de recherche françaises et tunisiennes déjà impliquées dans des projets Horizon 2020 tels que les actions Marie Skłodowska-Curie, d’échanges de personnels ou actions de coordination et de soutien de type « Twinning » (Jumelage).
Ce type d’action a en effet rencontré un franc succès en Tunisie. Je pense ainsi aux projets « SFAXFORWARD : Cultural heritage in South Tunisia, a twinning project promoting interdisciplinary and participatory sciences for an inclusive society » et « TUNTWIN : Twinning towards advanced analytical strategies for capacity building and innovation for the Tunisian Economy » respectivement coordonnés par l’Université de Sfax et l’Institut national de recherche et d’analyse physico-chimique (INRAP) de Sidi-Thabet qui s’achèveront en 2023.
Quel accompagnement pour le passage de projets des Partenariats Hubert Curien (national ou régional) à Horizon Europe ?
Il est évident que les nombreuses collaborations de recherche impliquant des institutions françaises et tunisiennes (plus de 75 collaborations actives en 2022 dans tous les domaines) initiées et soutenues conjointement par le Ministère de l’Europe et des affaires étrangères, le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ainsi que par le Ministère tunisien de d’enseignement supérieur et de la recherche scientifique dans le cadre des deux Partenariats Hubert Curien (PHC) actifs en Tunisie (PHC bilatéral UTIQUE, PHC régional MAGHREB), constituent un formidable vivier sur lequel s’appuyer pour encourager la constitution de consortiums susceptibles de candidater aux nombreux appels à projets d’Horizon Europe.
L’organisation par le SCAC, en décembre dernier, des Journées de la valorisation du PHC régional MAGHREB en Tunisie (Sousse), a ainsi permis de sensibiliser les chercheurs français et tunisiens présents aux nouvelles opportunités offertes par Horizon Europe en vue d’amplifier et d’élargir leurs coopérations au sein de l’Espace européen de la recherche, en particulier dans les thématiques du Green Deal fortement encouragées par la Délégation de l’Union européenne en Tunisie.
Pierre Durand de Ramefort
Attaché de coopération scientifique à l’Ambassade de France en Tunisie
Ingénieur de Recherche en Partenariat et Valorisation, de formation scientifique (physique fondamentale, mécanique des fluides) et technologique (génie électrique).
Expertise en gestion et valorisation de la propriété intellectuelle issue de la recherche académique, 22 années à l’écoute de chercheurs de toutes disciplines du CNRS, de l’École nationale supérieure de mécanique et d’aérotechnique (ISAE-ENSMA) de Poitiers, des Universités de La Rochelle, Limoges et Poitiers, pour développer leurs partenariats avec le monde socio-économique (notamment par la création de laboratoires communs ou la participation à des projets européens), et accompagner la valorisation économique de leurs travaux.
Depuis 2019, il contribue à la structuration des coopérations scientifiques entre la France et la Tunisie à travers les Partenariats Hubert Curien (PHC) ou les instruments de coopération internationale des organismes nationaux de recherche français (création du premier « International Research Project » CNRS franco-tunisien en 2022).