5e témoignage : Fabien Sabatier, historien, et Dalila Chenaf-Nicet, économiste, coordonnent le projet Undettered au sein de l'Université de Bordeaux.
Fabien Sabatier
Historien des idéologies et des identités dans le monde contemporain, directeur du laboratoire Cultures, Éducation, Sociétés (UR 7437) de l’université de Bordeaux (2018-2022), mon activité scientifique est dédiée depuis une décennie à l’étude des processus d’ethnicisation des relations sociales à l’échelle globale.
Dalila Chenaf-Nicet
Économiste de formation, spécialiste des thématiques d'insertion internationale et d'économie géographique, membre de l'UMR-CNRS 5319, - BSE, mon activité est dédiée à l'étude de l'impact des frontières (physiques, culturelles, linguistiques, institutionnelle) sur les relations internationales.
Quel est l’appel à projet auquel vous avez candidaté et quel est votre projet ?
Nous avons candidaté dans le cadre de l’appel à projet cluster 2, Destination 3 « Strengthening racial, ethnic and religious equality ». Notre projet (Undeterred - Unintentional discrimination detected and racismreveal and Deactivate) à forte valence interdisciplinaire (haut niveau d’intégration des différents champs disciplinaires) entend contribuer à la lutte contre les discriminations systémiques subies par la jeunesse immigrée et les minorités nationales en Europe dans les domaines de la santé, du logement, de l’éducation et de l’emploi.
Cette recherche-action vise principalement : 1) à enquêter auprès des populations cibles (tant minoritaires que majoritaires) pour détecter les règles, procédures, normes, pratiques qui conduisent à des discriminations ; 2) à produire une première typologie des processus non-intentionnels qui contribuent dans diverses institutions et entreprises des secteurs évoqués à produire des inégalités d’accès et d’opportunités des populations-cible du projet ; 3) une fois révélés et mis à jours ces processus, à proposer des solutions susceptibles d’enrayer les discriminations systémiques et le racisme structurel.
Le projet de recherche présente donc une phase d’expérimentation de nouveaux designs d’action publique et privée formalisés sur la base du premier temps de recherche consacré à l’identification des normes, des procédures, de règles ou de pratiques à l’œuvre dans les organisations. Une des ambitions du programme consiste à co-construire avec nos partenaires non académiques les nouvelles politiques ou dispositifs remaniés, sujets à expérimentation et évaluation.
Le consortium bâti se compose d’équipes de recherche issues des universités d’Amsterdam, d’Utrecht, de Barcelone (UAB), de Bucarest, de Lausanne, de Laval (Québec), de plusieurs métropoles, diverses associations de soutien aux populations immigrées, d’entreprises et d’institutions culturelles.
Qu’est-ce que la participation à un projet collaboratif européen vous permet de réaliser que vous n’auriez pas pu réaliser autrement ?
Les attentes d'un tel projet sont pour nous multiples elles concernent tant le domaine de la recherche que celui d’une mise en débat de nos travaux auprès d'un public le plus large et diversifié possible. Nous souhaitons donc promouvoir via les résultats de notre recherche une inclusion la plus effective possible et proposer des solutions innovantes à la lutte contre les inégalités et la montée des populismes.
Il s'agit également pour nous et pour tous les chercheurs associés à ce projet de parvenir à la création d'un réseau d'envergure internationale de recherche sur la thématique. Ce réseau devant alors être à la base de collectifs de recherches interdisciplinaires. Renforcer la visibilité de l’université de Bordeaux sur la scène internationale est une de nos ambitions finales.
Quelques conseils en conclusion ?
Il serait faux de prétendre que le montage d’un projet européen est chose aisée. Cela demande de la constante, de la rigueur, une adaptation au vocabulaire propre au texte de l’appel à projets ou chaque mot compte. Cependant cela reste une aventure stimulante intellectuellement qui fait dialoguer les disciplines et les méthodologies différenciées pour construire un projet cohérent et unifié. Ce premier chantier a représenté pour nous un premier succès.
Au cours du montage du projet, la constitution du consortium et notamment du partenariat universitaire, nous a permis de nous inscrire dans le renforcement d’une identité européenne de la recherche (5 universités européennes sont impliquées dans le projet).
Le partenariat avec des institutions culturelles, dont certaines nous accompagneront dans la dissémination de nos résultats, nous a conduit à repenser nos méthodes de communication /divulgation dans une véritable logique de « science ouverte » vers le monde non universitaire.
L’aide de la cellule Europe de l’Université de Bordeaux est un élément essentiel dans la réussite de ce projet. Le professionnalisme et les compétences techniques du personnelle de cette unité sont indéniables. Cependant, les différents temps d’échanges (en zoom) avec la PCN et l’ANR MRSEI obtenue pour le montage du projet constitue pour nous des étapes structurantes du projet. En effet, l’obtention de l’ANR, nous a d’une part, conforté dans l’idée que notre projet était « viable » mais « perfectible » selon les mots de la PCN qui nous a accompagné, Sylvie Gangloff, et d’autre part nous a donné l’élan nécessaire à la poursuite de l’aventure.
Les fonds dédiés sont essentiels à la constitution du partenariat. Enfin, il est évident que le fait que nous ayons travaillé en binôme, nous a permis de résister à la charge de travail qu’exige ce type de candidature, tout particulièrement, lorsque que le temps manque (il nous faut aussi faire de l’enseignement et de la recherche en parallèle). Un partage des tâches selon nos avantages comparatifs s’est avéré salvateur.