Publié le 16.01.2023

Témoignage

Coordonner un projet : retour d'expérience, 4

Témoignage 2
Dans cette série de témoignages, le PCN Cluster 2 Culture, créativité et société inclusive invite les lauréats coordinateurs à venir témoigner sur leur projet : pourquoi déposer ? Pourquoi coordonner un projet ? Quels ont été les difficultés, les risques au cours de leur candidature ? Quels sont leurs conseils ? Une série de 5 témoignages pour saisir la variété des profils des déposants, et leur intérêt pour les projets européens.

4e témoignage : Agnès Deboulet, coordinatrice du projet Fairville en réponse à l'appel à projets 2022 Democracy 01 03

Je me nomme Agnès Deboulet et suis professeure de sociologie à l’Université Paris 8 et membre de l’UMR Lavue (7218), équipe Alter. Sociologue et urbaniste de formation, j’ai également suivi un cursus d’économie, d’où la dimension fortement interdisciplinaire de mes recherches et partant, de ce consortium. J’ai également récemment dirigé le CEDEJ, une UMIFRE située au Caire et ai précédemment enseigné dans les Ensa (écoles d’architecture). Mes domaines de prédilection portent sur les études urbaines comparées dans une perspective Nord-Sud et plus particulièrement sur les mutations des organisations sociales et spatiales dans les métropoles et quartiers populaires en tension. La dimension migratoire mais aussi le redéveloppement urbain des quartiers précaires dans lesquels logent un quart de l’humanité ou la rénovation urbaine des quartiers de logement social ou quartiers anciens dégradés rentrent aussi dans ce champ de préoccupations.

Quel est l’appel à projet auquel vous avez candidaté et quel est votre projet ?

Nous avons répondu à un premier appel Horizon 2020 et compte tenu des résultats encourageants, nous avons décidé avec une partie du consortium de postuler au programme Horizon Europe « The impact of inequalities on democracy (Reshaping democracies, HORIZON-CL2-2022-DEMOCRACY-01-03) »

Notre projet s’intitule FAIRVILLE :  Facing Inequalities and democratic challenges through Coproduction in Cities. Il aborde la question cruciale du rapport entre démocratie et inégalités à partir d’une perspective qui – au-delà de la démocratie participative – associe au plus près chercheurs et universitaires avec des associations de résidents et d’usagers de quartiers populaires et des tiers acteurs (ou facilitateurs) afin de dépasser les blocages fréquents dans les projets dits participatifs et la concertation.

Le postulat est que la co-production basée sur un engagement de longue durée entre ces parties reposant sur une demande explicite des associations et de représentants de la société civile permet de mener des actions de projet urbain et environnemental propices à la prise en compte des inégalités systémiques et épistémiques. Et la recherche doit pouvoir assumer ce rôle coopératif tout en étant capable de mener de bout en bout une action évaluative et réflexive avec l’ensemble des parties prenantes. C’est réellement un changement de paradigme pour la recherche qui s’engage avec ce projet.

Qu’est-ce que la participation à un projet collaboratif européen vous permet de réaliser que vous n’auriez pas pu réaliser autrement ?

Le projet démarre ce mois-ci, il va nous permettre de démontrer que la co-production est un véritable levier pour une gouvernance démocratique des villes et qu’elle permet de prendre en compte les inégalités dans la planification participative. Une prise en compte incarnée par les habitants et co-définie avec eux. Dans des sociétés où la crise démocratique est patente, ce projet permet de rassembler des partenaires de ces différents horizons (université/société civile organisée et mouvements sociaux/facilitateurs) dans une perspective Nord-Sud. Outre cinq pays européens, nous avons incorporé deux pays africains) pour réfléchir ensemble à l’état des connaissances et des pratiques en matière de participation et d’inégalités, développer et poursuivre de véritables projets de co-production urbaine (les Fairvillelabs), mettre en place une co-évaluation et permettre une montée en généralité. Enfin un des apports significatifs de ce projet est de permettre une mise à l’agenda politique de propositions de réformes.

Ajoutons que l’ensemble de ce processus de « recherche citoyenne » peut véritablement exister et être exigeant car il est dès le départ inclusif : les partenaires non académiques et notamment les associations partenaires sont associées au projet au même titre que les autres, ce qui fait partie du travail de reconnaissance indispensable pour réorienter ce paradigme démocratique.

Quelques conseils pour finir

Ce projet a été soutenu par les Points de Contact Nationaux avec qui nous avons eu plusieurs rendez-vous et dont nous avons suivi les formations. Outre ce soutien, il est souhaitable de bénéficier de l’aide d’une ANR MRSEI qui permet de payer les frais relatifs à la soumission d’un tel projet (avec notamment les frais d’aide à l’édition, graphisme…). Nous avons également eu la chance d’être soutenus par la cellule internationale du CNRS avec deux ingénieurs d’étude européens successifs.

En un mot, même si la réponse à l’AAP est lourde, le soutien de professionnels compétents et très engagés est aussi un encouragement réel. L’existence même d’un consortium est ainsi une source de grande motivation, il est très rare de pouvoir avoir un tel dialogue continu avec tant de collègues motivés et soucieux d’aboutir à une production de recherche utile au plus grand nombre. Le test en « grandeur réelle » de nos orientations de recherche citoyenne constitue enfin une réelle satisfaction et justifie cet investissement préalable en temps. Savoir également être bien accompagné, par un consortium d’institutions et de personnes très motivées est un atout supplémentaire et une occasion très rare de faire autant collectif.